C'est pas un peu kitsch ?!
Ne vous êtes-vous jamais demandé si un chien scintillant comme une boule disco était de l’art ?
Ne vous êtes-vous jamais insurgé sur les millions dépensés par les ultra-riches pour acquérir ce truc improbable ?
Si c’est le cas, vous n’êtes pas le seul (la seule non plus d’ailleurs). Moi aussi, et de plus j’ai trouvé ça…disons kitsch….

Mais c’est quoi le kitsch dans le fond ?
Le mot Kitsch puise hypothétiquement ses racines dans ces trois mots : verkitschen (brader), kitschen (ramasser des déchets) ou sketch (esquisse), reflétant dès l’origine son lien avec le commerce, le recyclage et l’imitation. Bof. Apparu vers 1860, il désigne alors les objets bon marché, souvent surchargés, copiant des chefs-d’œuvre pour séduire les classes moyennes toutes nouvellement formées. La « bondieuserie » (statuette religieuse) incarne la première phase de cette « tendance », mêlant piété et production artistique de masse.
Vous voulez un exemple ?
Versailles, chef-d’œuvre de la raison et de l’harmonie voulu par Louis XIV et Herrenschiemsee, réplique prétentieuse et flamboyante imaginée par Louis II de Bavière nous donne l’exemple d’un chef-d’œuvre versus un hors-d’œuvre… (et je ne suis pas chauvine puisque d’origine helvétique et donc pas forcément enclin à défendre la production française !). Observons.
Là où Versailles est une démonstration de la maitrise de l’homme sur la nature et incarne la magnificence du roi (Soleil), Herrenchiemsee se présente comme un musée figé, un pastiche ostentatoire où l’apparence l’emporte sur l’authenticité. Tout est fake : marbres en stuc, tapisseries en trompe-l’œil, accumulation de styles. Ici, l’imitation a englouti l’équilibre, l’harmonie, la créativité et le génie.

Le Kitsch, toute une histoire
Le kitsch serait donc né au XIXe en Bavière puis aurait collé à la peau de l’Eclectisme du même siècle, courant ayant eu une fâcheuse tendance à multiplier les références historiques sans rien inventer de bien nouveau. Il devient ensuite le style d’une société bourgeoise qui cherche « à faire classe », à afficher sa réussite sociale, à posséder des attributs du Beau.
Dans les années 1950 et l’avènement de la société de masse, les valeurs esthétiques et sa hiérarchie se sont disloquées. L’art devient un divertissement et le kitsch est joyeusement mis dans le même panier. Accusé alors d’infantiliser les masses via des produits culturels simplistes tels les dessins animés de Disney ou les romans à l’eau de rose, les intellectuels de gauche montrent aux barricades pour tenter d’endiguer ces manifestations « artistiques ». Pourtant, ironie du sort de ce pauvre kitsch, capitalistes, fascistes et communistes vont l’utiliser pour asseoir leur autorité. Les uns en image d’Epinal remasterisée, les autres pour stigmatiser ces superproductions populaires. Tous ensemble contre le kitsch !
Il faudra attendre les années 1980 pour que le kitsch vienne une esthétique assumée. Jeff Koons en fait son arme, transformant des objets banals (un ballon en forme de chien) en œuvres d’art (vendues au prix du diamant…).
Aujourd’hui, la société voit cette manifestation comme « un art sans interdits », un art démocratique, célébrant la diversité des goûts. Exit les hiérarchies élitistes : horloges à coucou, boules à neige et nains de jardin sont désormais (sur)exposés sans complexe.
Mais tout ce qui brille n’est pas…kitsch, et restent des interrogations dérangeantes :
Les spéculateurs et galeristes transformant dans leurs alambics le kitsch en or et leurs lieux de vente en temples du bon goût. Les acheteurs s’en saisissent et rendent toute critique terriblement risquée : et si je trouve ça moche et kitsch, c’est que je suis réac…. ?
Entre cornichons entre les orteils et veau d’or dans le formol, où est la limite ? Y a plus de critères, donc plus de bon sens ma bonne dame !
Pour certains, le kitsch agirait comme un miroir, révélant au public la disgrâce du mauvais goût pour mieux s’en affranchir. Moi, je sais ce qui est de l’art donc je suis…
Alors, comment savoir si c’est de l’art ou du cochon ? Un conseil : appréciez-le avec humour, mais gardez un œil critique… au cas où l’empereur serait vraiment nu !
À vous de juger !
Et pour vous décider à taxer Jeff, Pierre et Gilles ou encore Amish de kitschouille ou de branchouille, je propose quelques signes et usages qui pourraient bien séparer le grain de l’ivraie :
- Un assemblage de copies et de stéréotypes, souvent personnalisés pour flatter et séduire
- Une vocation à plaire et à rassurer, jamais à bouleverser ou à questionner.
- L’inauthenticité : tout est fait pour l’effet, sans profondeur ni ancrage idéaliste.
- Un goût prononcé pour la profusion décorative, l’ornement, les couleurs pures et saturées, le pastiche et le mélange aléatoire des styles.
- Un objet de consolation, facile à comprendre, qui s’adresse au plus grand nombre.
- Un art tape-à-l’œil, de l’anecdotique, du chichiteux, du vulgaire, du rubbish…
- L’absence de récit, de profondeur, de saisissement, le kitsch amuse, embellit la vie mais ne provoque ni effroi, ni sidération, ni réflexion profonde.
A vous d’en décider et dans tous les cas de figure de vous interroger !
Et pour compléter vos hypothèses et votre analyse d’un tableau, procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi..