L'art, ça vous guérit ?

En interprétant les choses, nous les transformons en objets humanisés qui racontent plus que leur apparence. Nous leur donnons ainsi vie. Le bébé ne reste pas longtemps prisonnier des choses immédiates. Il voit, puis regarde très jeune déjà. Un objet en noir-blanc d’abord, puis en couleur. Il s’en émerveille, s’en effraie, s’en amuse, observe puis comprend.

Plus tard, il prendra un bout de ficelle, un papier de bonbon, un caillou avec lequel il jouera. Plus tard encore il dessinera, fabriquera et inventera.

Et par bonheur, il y a le malheur !

Les artistes sont les porte-parole, les maîtres d’œuvre qui métamorphosent notre souffrance en œuvre d’art, de nos manques en désir, de l’horreur en merveille. Et ainsi, nous ne voyons plus les choses comme avant. Ils nous font voir le monde autrement.

Pour Aristote, l’art est cathartique. Il permet d’évacuer la peur, l’horreur, la douleur, de la sublimer.

Comment ça marche ?

Grâce à la mémoire

Notre cerveau capte les informations affluant du monde qui nous entoure, apportées par les sens. Ces informations sont analysées dans notre système de mémoire qui programme la réponse adaptée en fonction de notre expérience. C’est donc la mémoire qui permet de décoder les informations transmises par les yeux telles que la forme, la composition, les couleurs. Elle se met alors en marche et tente de tisser des liens avec nos souvenirs. Comme le dit l’adage, « une image vaut mieux que mille mots ». Ainsi, l’image soutient-elle la mémoire. Je peux, par exemple, me souvenir d’un film des années plus tard et en tirer des conclusions grâce à l’impact que celui-ci a eu sur moi.

Grâce à la chimie organique

L’art nous fait également sécréter des substances telles que la dopamine qui restaure l’élan vital, la sérotonine qui booste notre bonne humeur et les endorphines qui nous bercent et soulagent nos douleurs.

Grâce à l’expérience

C’est en sculptant qu’on devient sculpteur. En effet, le cerveau se modifie en fonction de nos expériences. En faisant une œuvre d’art, nous apprenons à nous connaître. Elle nous donne accès à l’inconscient et à l’invisible.

Grâce à la projection

L’artiste s’est projeté dans son œuvre, il s’y mire. Elle fait désormais partie de lui, elle témoigne de sa puissance et la décuple. Cette énergie transmise lui est retournée. Ensuite, chacun projette dans les œuvres son monde intérieur, comme un symbole alchimique, et se persuade d’avoir percé le mystère, alors qu’elles ne font que révéler notre propre nature.

Chez les artistes bruts, la production d’œuvres d’art leur sert à projeter leurs démons intérieurs ou leur vie rêvée. Leur production est d’autant plus intéressante qu’elle n’a pas été influencée ou polluée par une culture artistique quelconque. Chez eux, on trouve d’ailleurs souvent un cloisonnement structurant une imagerie interne.

Grâce à l’interprétation

Devant une œuvre d’art comme devant toute chose, nous avons tendance à interpréter, à dégager un sens qui nous rassure et infuse un semblant de cohérence à notre existence. Le paroxysme est l’interprétation des paranoïaques qui n’existent qu’au travers de folles certitudes et qu’il est impossible de combattre tant le raisonnement est faussé. Cette image nous donne une indication pertinente de notre propre vision du monde. Dis-moi ce que tu vois et je te dirai qui tu es !

Propos librement inspirés de l’ouvrage de Pierre Lemarquis, L’art qui guérit, 2020