Une porte qui ouvre sur une autre porte qui s'ouvre sur...
Ouvertes, entrebâillées, quelquefois fermées, en enfilade, des embrassures, des portes d’armoires, des ombres de portes, Vallotton les aime, les peint beaucoup.
Mais pourquoi donc en peindre tant ?

Se raconter des histoires devant un tableau... et comprendre la diégèse d'un tableau
Ouvertes, entrebâillées, quelquefois fermées, en enfilade, des embrassures, des portes d’armoires, des ombres de portes, Vallotton les aime, les peint beaucoup.
Mais pourquoi donc en peindre tant ? s’interroge J.-D. Nasio dans son ouvrage Art et psychanalyse.
Bien sûr, une porte c’est graphique, ça vous structure une composition. La succession des plans est claire, assurant sans même recourir à la perspective géométrique ou atmosphérique la profondeur de champ. Les formes et les couleurs se retrouvent cloisonnées sans artifice.
C’est en outre un moyen élégant et esthétique de nous faire entrer dans le tableau. On pénètre ainsi, de fait, dans une scène que nous allons, nous spectateurs, transformer en histoire sur la base des éléments et de leur puissance narrative.
Mais le plus important, pour Vallotton comme pour d’autres peintres utilisant cet élément, la porte est aussi un moyen subtil de nous rendre voyeurs, voyeuses. Nous le serons d’autant plus que la porte est entrebâillée, que la scène est intimiste, que le personnage est nu ou encore que le cadrage est resserré.
Prenons pour exemple l’œuvre de Félix Vallotton, Intérieur avec femme en rouge de dos, datant de 1903.
Au lieu de la détailler, déposons notre propension à l’analyse picturale au vestiaire (dans l’antichambre de la toile si vous préférez !) et laissons-nous guider, voire nous emporter.
Je suis seule dans l’embrasure de la porte, dans la pièce de service. Soudain, une femme arrive. La maîtresse de maison. Elle ne m’a pas vue. Elle entre en trombe dans le hall. Elle n’ôte pas son manteau, ni ne dépose son étole sur le sofa prévu à cet effet. Elle se précipite vers la première pièce en enfilade. Le cabinet. Elle a dû voir quelque chose. Mais quoi ? Mon regard revient sur ses pas. Ah, oui, une pièce de vêtement de soie. Depuis l’endroit où je me trouve, je n’arrive pas à distinguer s’il s’agit d’une blouse ou d’une chemise de corps, mais la délicatesse du ton et de la matière me laisse penser qu’il s’agit d’un vêtement de femme. Ciel, je comprends mieux la précipitation de cette femme. Je cherche d’autres indices du regard. Dans le cabinet, une veste de taffetas, d’un indécent rose fushia. Je plonge à présent du regard dans la dernière pièce. La chambre à coucher. Le lit. Les draps sont défaits, comme ma mine. Je me décompose. Mon souffle devient court. Je scrute l’espace pour confirmer mon impression. Il est là, il est rentré. Mais pas seul. Avec elle. Mon regard se précipite alors sur la maîtresse de maison. Elle n’a pas bougé. Son élan s’est arrêté. Elle est comme hypnotisée. Elle le sait, il est là, avec celle qui porte cette odeur de jasmin qu’elle avait détectée à plusieurs reprises sur son mari. Son sang ne circule plus. Sa tête bourdonne. Ses pensées sont bloquées sur un mot : pourquoi. Pourquoi. Pourquoi.
Je reprends mes esprits. Quel esprit mal tourné tu as, ma chère ! Et s’il s’agissait d’une tout autre histoire ? À vous de la réécrire, mais à votre sauce !
À vous de vous raconter des histoires !
Mettez-vous devant ce tableau ou cette reproduction et racontez-vous l’histoire qui s’y passe. Et pour compléter votre analyse et votre compréhension du sujet en peinture, procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi.