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C'est une image d'Épinal !

Que vous rappelle cette expression ? Rien de très positif probablement. Une gravure, vaguement naïve, représentation d’un monde idéalisé, truffé de stéréotypes, un poncif, voire une leçon de morale bon marché, non ?

En Suisse où j’ai grandi, on ne connaissait de l’image d’Epinal que ces figurines de saints protecteurs imprimées sur du bristol qui, dans mon école (j’ai un temps été scolarisée dans une école catholique pour le moins conservatrice) étaient distribuées en signe de reconnaissance d’un mérite particulier : bonne conduite, bonne note, bonne action. Assez vite, ces jolies images furent remplacées par des gommettes de couleur, elles-mêmes suppléées par des smileys dessinés aux feutres de couleur. Rien voir quoi ! Et si nous nous intéressions à cette imagerie populaire au lieu de nous en gausser ?

Mais pourquoi tant de haine ?

Des couleurs franches, plébiscitées de tous, bon marché, des motifs frôlant (parfois) le kitch, populaires et succédanées de tableaux pour les moins aisés. De surcroît, les sujets principalement religieux sont illustrés avec une certaine sensibilité, j’oserais dire de sensiblerie. Des bondieuseries en résumé : largement de quoi les mépriser donc ! Et pourtant…

Pourtant de grands maitres ont aussi tirés des estampes autant de revenu que de notoriété, pensons à Dürer au XVe siècle déjà. Des peintres de valeur ont réalisés quelques-unes de ces « œuvres ». Non, ce qui les distingue des arts « savants » sont d’une autre nature. Leur prix tout d’abord, très bon marché, on les nomme au XIXe « images à un sou ». Le nom de l’artiste est rarement mentionné ce qui ne leur apporte aucun crédit artistique. On juge leurs traits maladroits, leurs coloris vulgaires. Leur mode de diffusion est, on ne peut plus prosaïque : imprimées à grandes échelles, ces images sont distribuées sur tout le territoire français (avec des débordements sur le sol helvétique apparemment) par le biais de colporteurs qui sillonnent les routes pour déposer ces petits riens dans les librairies, sur les lieux de pèlerinage ou même chez les marchands du coin. Mais surtout, Epinal va vendre son âme au diable…. Ecoutez son histoire.

L’image d’Epinal, toute une histoire !

En fait, les centres de production d’imagerie populaire étaient nombreux en France jusqu’à la fin du XIXe siècle : Lille, Orléans, Cambrai, Beauvais, Nancy, Metz. Celui d’Épinal, attesté dès le XVIIe, ne devint le plus important qu’à partir de 1810 environ, avant d’accéder à un quasi-monopole et à une renommée mondiale. Ni la tradition des fabricants de cartes à jouer ou de papiers peints du XVIIIe, ni les pèlerinages dans la région ne peuvent expliquer cette suprématie. Et, à la fin du XVIIIe siècle, la plus grande société spécialisée dans l’estampe, Pellerin est moribonde. Elle doit sa résurrection (comme quoi les images religieuses peuvent avoir un certain effet sur le destin….) et son succès à un certain Napoléon. En 1804, il est à la tête d’un Empire et souhaite bâtir sa légende. Pour cela, il doit s’adresser au peuple de France. Mais comment ? Pas de télé, ni d’Internet à l’époque. Le média de masse est alors l’imagerie, sa capitale, Epinal. Et si l’on remplaçait ce cher Bon Dieu par le Bon Napoléon ? En 1806, à l’occasion d’une exposition à Paris, le pouvoir se tourne vers Pellerin pour glorifier l’Empire. Bien vu ! La famille Bonaparte et les maréchaux trônent en majesté sur les gravures. Si elles sont interdites à la Restauration (1814) et sont aussi vite réintroduites par Louis-Philippe. Leur succès populaire maintient la flamme impériale dans la société. Résultat, quand Napoléon III fait son coup d’Etat, les braves gens, qui n’ont pas décroché les images de son oncle d’Empereur, lui sont acquis. Mariage, naissance, tranche de vie de la famille impériale : le story-telling politique est né et un certain kitsch, malheureusement, à sa suite !

Mais à quoi servaient ces images alors ?

L’image de piété peut se présenter sous différentes formes ou tailles. Imprimées sur des feuilles de papier, elles prennent place au mur, accrochées ou collées, ornent l’intérieur d’un meuble ou encore être découpées et assemblées en mini-livre. Rapidement, ces illustrations pieuses vont revêtir un caractère sacré voire superstitieux ; intercesseur contre la foudre, les épidémies ou pour l’espoir d’enfanter… Achetées à faible coût, ces images sont renouvelées dès usure ou lassitude des propriétaires, d’autres finissent en couverture de livres. On est assez loin de l’art savant de l’époque et pourtant….

Pierre et Gilles - Madone

À vous de juger !

Et pourtant, de grands artistes ont réalisé des images considérées comme des œuvres d’art et qui, pourtant ne sont pas sans rappeler celles d’Epinal. Alors, c’est quoi la différence ? A vous d’en juger !

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