Le Beau Siècle, une exposition au Musée des Beaux-Arts de Besançon

Etre un peintre de province !

Combien de fois me suis-je amusée…gaussée peut-être même du côté terriblement provincial des œuvres des artistes locaux dans les musées de province. Je me suis amusée à retrouver l’influence de grands maitres chez tel ou tel artiste. J’ai mis ce mot « artiste » entre parenthèse, craignant l’emphase. Et lorsque j’ai partagé mes conclusions avec une historienne d’art (ma fille de plus), celle-ci m’a rétorqué : « Ne penses-tu pas que ces peintres devaient simplement se conformer au goût des commanditaires, des clients, des acheteurs ? ». Voyons cela.

Le Beau Siècle, une exposition au Musée des Beaux-Arts de Besançon

Comprendre le rôle des clients pour les peintres

Tout d’abord quel style pouvons-nous observer ?

L’influence picturale est celle des peintres du Nord et d’Italie avant la conquête française. L’iconographie de la Franche-Comté oscille entre un langage classique et un parti pris plus naturaliste. On peut observer cette dualité dans les œuvres de Le Brun et de Van der Meulen. Le premier se situant rigoureusement dans le Classicisme tandis que le second, y compris son Portrait équestre de Louis XIV devant Besançon est beaucoup plus « humanisé ».

Et dans quel registre, les peintres de la France Comté vont-ils évoluer ? Et bien cela dépend…

Pour répondre à cette question, étudions tout d’abord la destination des œuvres. Partout en France, si les portraits officiels et les tapisseries étaient destinées à un public restreint comprenant le roi, sa cour et ses visiteurs, d’autres supports comme les almanachs ou les estampes permettaient une diffusion plus large. Le public avait des images chez lui, le XVIIIe est un siècle d’images. La gente populaire était composé de procureurs, de maitres d’école, d’artisans ou même de clients de cabarets.

Et puis, il y a aussi de l’art dans l’espace public, dans les rues (frontons sculptés, tapisseries tendues, bannières de procession), dans les églises (tableaux d’autel, théâtre) et plus tard, les expositions de travaux d’élèves des écoles de Beaux-Arts dans les hôtels de ville). Dans les maisons, élégantes ou modestes, les cabinets de peintures ou d’antiques chez les amateurs et curieux, on trouve des estampes encadrées ou même simplement punaisées. A Besançon, les œuvres étaient déjà largement présentes avant la conquête française, mais souvent des importations. Après celle-ci, la demande en augmentation et une appétence pour les œuvres encourage la production artistique locale.

 

De quoi vivent les peintres dans la société provinciale ?

Peintre est un métier comme un autre. Ils sont peintres comme on est libraire ou tanneur ou cafetier. Et ils font souvent les deux pour gagner leur vie.

Leur mode de vie, leur rang dans la société, les contraintes qu’ils rencontrent les assimilent à l’artisanat urbain. Ils produisent des images comme on produit des chaudrons ou des habits.

Les peintres bisontins peuvent aussi réaliser de menus travaux pour la municipalité, les églises, les confréries. Ils sont experts pour les marchands d’art, la restauration, les notaires. Ils peuvent enfin être embauché pour des travaux de restauration. Leur niveau de vie est celui du peuple, au mieux de la petite bourgeoisie.

 

Comment font-ils leur publicité ?

Un enjeu important pour les peintres et les sculpteurs est de se faire connaitre et de se distinguer de la concurrence. Il existe différents moyens d’y parvenir, tous assez caractéristiques du XVIIIe soit en apposant son nom de manière visible sur une œuvre publique, en participant à une exposition ou en faisant une annonce. Si signer ses œuvres est important à Paris en raison des expositions, Salons et marché de l’art, à Besançon ces manifestations sont anecdotiques. Ainsi seules 10% des œuvres sont signées. Preuve également de l’association que l’on fait du métier de peintre à celui d’artisan.

 

Y a-t-il des collectionneurs bisontins ?

Qu’est-ce qu’un collectionneur pour commencer ? Faut-il se fier au nombre d’œuvres réunies, à leurs sujets, leur valeur, à la culture qu’elles peuvent suggérer, à leur disposition, voire croiser ces critères ?

La plupart de ces critères ne valent qu’à la capitale où un réel marché de l’art est disponible, notamment chez des marchands ou des marchands-merciers. A Besançon, il n’y a pas de galeries, pas de marchands d’art, exception faite de quelques rares vendeurs ambulants. Certains amateurs vont se fournir à Paris ou à Rome mais ils sont peu nombreux. Le nombre d’œuvres en circulation est limité par la région, tout comme les sujets. De surcroît, l’estimation de la valeur de la production est très subjective. Un recensement en 1735 des propriétaires d’œuvres dont seulement 4 suggère que peu d’amateurs d’art se considéraient comme des collectionneurs. On achète des œuvres lors de successions, on en acquiert parfois par biais. C’est ainsi plus spécifiquement à travers les dons que l’on acquiert des œuvres ou du mobilier ainsi qu’une peinture locale.

 

 

Quels genres sont privilégiés et dans quel but ?

Il suffit de connaitre les destinations des œuvres, donc les commanditaires pour connaitre les genres privilégiés. Ainsi, avant la conquête française, trouve-t-on des portraits. Ceux-ci de famille ou de personnes seules revêtaient une valeur patrimoniale bien plus que d’apparat. Après la conquête viendra s’ajouter le portrait de Louis XIV en bonne place dans les intérieurs bisontins à côté des portraits de famille, celui-ci en revanche certainement dans un but de distinction. La peinture religieuse est également très prisée pour décorer les églises et montrer sa grandeur. Et l’on trouve bien sûr des natures mortes et des scènes de genre, mais d’un genre tout particulier, entre portrait humaniste et scène de genre avec notamment Gaspard Gresly.

 

Comment va évoluer le goût bisontin ?

Par capillarisation, grâce au goût essaimé par les peintres ayant été formé à l’école d’art de Besançon. En effet, avec la création de celle-ci en 1774 par notamment le peintre Johan Melchior Wyrsch, un style classique mais assez personnel est observé. Si le peintre d’origine suisse inculquait à ses élèves la maitrise du modelé, l’étude de l’anatomie comme dans toute école d’art, il apporta aussi un raffinement chromatique, un rendu subtil des chairs et une manière plutôt spontanée, entre ligne et couleur. Cette école apporta indéniablement une crédibilité aux peintres y ayant été élève. Par goût personnel aussi à l’instar de Gaspard Gresyl, autodidacte ayant copié notamment les maitres du Nord. Ce peintre réalisa de nombreux portraits de gens « de peu » dans l’exercice de leur métier ou dans des activités quotidiennes mais avec un cadrage plus proche de celui du portrait.

 

On peut ainsi en conclure sans risquer de se tromper que les peintres devaient bien évidement se conformer au goût local s’ils voulaient exercer leur métier, mais qu’ils ont, grâce à l’impulsion des artistes parisiens puis celle de l’Ecole d’art développé un style et une créativité un peu plus personnel.

À vous de chercher l'influence du client !

La prochaine fois que vous serez face à une œuvre d’un peintre local, observez les sujets choisis par l’artiste et demandez-vous les raisons potentielles de ces choix.

Et pour compléter votre analyse et votre compréhension du rôle des clients et des commanditaires, procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi.

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