La peinture comme Wunderkammer
Le tableau, tout un monde !
Oubliez l’idée du tableau comme une simple fenêtre ouverte sur le monde, une scène figée. Certaines œuvres, surtout dans des périodes de foisonnement visuel comme la Renaissance, le Maniérisme, le Baroque, le Symbolisme ou le Surréalisme, se présentent comme de véritables mondes à explorer. Elles ne se livrent pas d’un seul regard : il faut y entrer, s’y promener, s’en étonner, fouiller chaque recoin. Et si, derrière leur surface plane, ces peintures étaient en réalité des Wunderkammern, ces fameuses chambres des merveilles ? Des vitrines mentales en d’autres termes où s’accumulent objets, bizarreries, références et symboles, transformant le tableau en cabinet en deux dimensions.
Quand le tableau devient cabinet de curiosités!
Qu’est-ce qu’une Wunderkammer et que viendrait-elle faire dans un tableau ?
A la Renaissance, les cabinets de curiosité – ou Wunderkammern – rassemblaient naturalia (objets naturels rares), artificialia (objets fabriqués), exotica (curiosités venues d’ailleurs) et scientifica (instruments). Ces collections privées étaient des microcosmes du monde, des espaces d’accumulation et de savoir, où l’étrange côtoyait le précieux. Dans la peinture, cette logique de la collection se transpose : l’artiste devient curateur, collectionneur d’images, assembleur d’objets insolites ou symboliques. Le tableau n’est plus une simple représentation mais une vitrine foisonnante où chaque élément invite à la découverte.
Des peintures à tiroirs : quand la toile devient collection !
Je vous propose de visiter quelques cabinets picturaux de curiosité avant de vous constituer la vôtre.
S’il est un maitre de l’assemblage, c’est bien Arcimboldo. Il compose des portraits à partir de légumes, de livres, de poissons ou de fleurs. Ses visages sont littéralement des Wunderkammern incarnées où chaque détail est un objet à identifier, une énigme à résoudre.
Le cabinet dans le cabinet
C’est dans le représentation même que ses trouvent les cabinets de curiosité de Teniers. Dans ses scènes d’ateliers d’alchimistes ou de collectionneurs, Teniers accumule sculptures, gravures, coquillages, globes et instruments. Le spectateur se promène dans un univers saturé de savoirs, reflet des passions encyclopédiques du XVIIᵉ siècle.
Jerôme Bosch, une curiosité en soi !
Ici, on frise l’encyclopédie. Les tableaux de Bosch sont de véritables inventaires du monde, mêlant animaux, plantes, objets d’art et curiosités exotiques. L’image devient un catalogue visuel, une invitation à l’exploration.
Les Surréalistes
Dali, Ernst, Magritte réactivent l’esprit Wunderkammer au XXᵉ siècle. Les peintres surréalistes accumulent des objets absurdes, jouent avec l’hybridation, provoquent la confusion de l’esprit, invitent le rêve dans leurs sujets. Le merveilleux ressurgit sous forme de collages et d’associations inattendues.
Et aujourd’hui ? La peinture contemporaine en mode Wunderkammer
L’esprit du cabinet de curiosités n’a pas disparu.
- Mark Dion crée des installations qui rejouent la logique de la collection.
- Claire Tabouret, Neo Rauch et d’autres saturent leurs toiles de signes, de références, d’objets énigmatiques.
- Julie Curtiss, Hernan Bas, Paula Rego… : leurs œuvres regorgent de mondes denses, à la fois familiers et étranges, où chaque détail compte.
Une peinture qui ne se regarde pas mais visite !
Le tableau-Wunderkammer est un espace pour l’œil curieux, pour les amateurs de détails et de lectures multiples. Il ne se livre pas tout entier d’un coup : il se visite, se fouille, se savoure.
C’est une peinture érudite, mais joueuse, où chaque recoin recèle un mystère à percer… ou simplement à contempler.
Alors, la prochaine fois que vous vous trouverez devant une œuvre foisonnante, osez l’explorer comme une chambre des merveilles : qui sait quels trésors s’y cachent encore ?
Mais
Comment aborder ces œuvres ?
- Lire lentement : laissez votre regard circuler, repérez les objets insolites.
- Chercher les correspondances symboliques : chaque élément a souvent une signification cachée.
- Interroger leur présence : que disent-ils de l’époque, des savoirs, des croyances ?
Le tableau devient alors un espace de narration non linéaire, un micro-musée poétique où chaque détail raconte une histoire, attend d’être découvert ou interprété.
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ART-TOI et vois plus et mieux !
