Motooka Hidenori - Trains 2

L’art s’encadre

Alors, à quoi peut servir le cadre hormis à encadrer justement ?

Centripète, il nous écarte de lui, centrifuge, il nous ramène à lui, protecteur ou invasif, médiateur ou discriminant, sublimation ou parodique, marginal ou nucléaire. Le cadre est tout sauf neutre. Observons-le dans un contexte particulier ; l’Art brut.

Observer le rôle du cadre

Pris dans sa plus large extension, le cadre a une fonction originaire et fondamentale dans le psychisme humain. Il détermine aussi bien un espace imaginaire, narcissique, ludique, social, environnemental ou esthétique. Il est devenu à ce point coextensif à notre sensibilité et à notre entendement que nous n’avons plus le recul qui nous permettrait d’en prendre conscience – sinon par l’incidence de l’Art Brut, qui intervient à cet égard comme un dérèglement révélateur.

Propos à l’occasion de l’exposition L’art s’encadre au Musée d’Art brut de Lausanne.

 

Les auteurs d’Art Brut n’ayant pas conscience de la valeur artistique de leurs œuvres, ils ne cherchent pas à les conserver pour la postérité. Le cadre ne sacralise donc pas la production et encore moins l’individu. En outre, le cadre ne découpe pas ce qui doit être vu, il n’impose rien au spectateur, puisque l’auteur ne s’adresse qu’à lui-même. Et enfin, il ne détermine pas la place du spectateur pour les mêmes raisons. Dès lors, explique Michel Thévoz, la notion de limite ou de cadre vole en éclats chez la plupart des auteurs d’Art brut.

Le cadre peut intervenir « sur » l’auteur. Notamment, il peut buter contre lui, parfois même il semble surpris que la feuille l’arrête. Il peut en faire une emphase et le rendre sujet, voire le parodier. De plus, le bord du support revêt une fonction centrifuge en ramenant l’action au centre du support. Il peut être protecteur en agissant comme un agent d’hétérogénéité. L’auteur utilise inconsciemment le cadre pour « tout mettre dedans ».

 

Pour l’illustrer, j’ai choisi l’œuvre de Motooka Hidenori intitulée Trains 2, car son sens de l’ordre m’a autant séduite que surprise.
Pour comprendre le travail de cet auteur, il faut se pencher sur sa démarche. Il représente des trains vus de face, serrés côte à côte sur du papier à photocopies ou au dos de tracts publicitaires. Il a par exemple reproduit de manière obsessionnelle près de cent locomotives de la ligne locale Hankyu. Son ambition est de réunir l’ensemble des modèles qu’il connaît sur un seul et même support. Il augmente la surface de ses travaux en joignant plusieurs feuilles de papier et compresse chaque véhicule afin d’en placer un maximum dans le même espace. Le cadre dans ce cas est inexistant puisqu’il ne se cantonne pas à une feuille de papier. Il ne tient pas compte du support, du format ou du cadre, il dessine. Le cadre est extensible à l’infini, mais chaque train a son propre cadre, ses propres limites. Quand il n’y a plus de place sur une feuille, hop, on passe à la suite. Et ainsi, Motooka Hidenori saute de cadre en cadre.

À vous d'aller visiter les cadres !

La prochaine fois que vous irez au musée ou dans une exposition, profitez-en pour faire la visite des cadres.

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