Le cadre fait sens !

Le cadre fonctionne comme un templum, nous dit Louise Charbonnier dans son ouvrage « Généalogie d’un dispositif ». Ce dispositif entourant le tableau commande la lecture, mais aussi une représentation et une interprétation des marques de peinture en signes picturaux. Agissant comme le rebord d’une table de billard pour les boules, il conduit l’œil, l’obligeant à focaliser son attention dans un périmètre, un espace, un secteur (le templum justement).

C’est ainsi que le cadre fait naître le sens. La peinture déposée n’est plus seulement une pâte, elle devient un tracé, un signe. La peinture en tant que matière (ce qui sort du tube) devient autre. Autre, mais quoi ? Un objet, d’art, d’admiration, d’interrogation. La peinture n’est pas seulement de la peinture, elle devient signe, car l’homme y met autre chose. Il ajoute à la matière, au réel, de l’imaginaire et des signes, du sens. Le bord, la délimitation de la peinture découpe un morceau de sens. Cette délimitation, ce cadre déclare l’espace. Comme l’indique Barnett Newmann, je ne manipule pas l’espace, je ne joue pas avec lui, je le déclare.

Mais alors, est-ce que, à l’inverse, lorsqu’il n’y a pas de cadre, il y a quand même un sens ?

Prenons pour exemple une peinture rupestre. Peinte à même la roche, elle n’a pas de cadre à proprement parler. Certes. Elle est néanmoins délimitée, et ce, par le vide, l’espace non peint qui l’entoure. Ainsi, le cadre peut-il être physique, souvent fait d’un matériau différent de l’espace peint, ou virtuel constitué du vide entourant l’image.

La plupart des œuvres abstraites de Mark Rothko ne sont pas encadrées, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas enfermées dans un cadre physique. C’est l’espace entourant la toile qui en fait office. Accroché à un mur, c’est celui-ci qui la cadrera. Suspendue au milieu d’une pièce, ce serait l’espace, le vide encerclant l’œuvre qui la définirait.

Ainsi le cadre est-il un augure à voir !