Le chant des premières pousses (Dansant et chantant, paysans de retour du travail) - Ma Yuan, début du XIIIe siècle

L’art chinois, un art immobile et vide?

Dans l’optique chinoise, le Vide n’est pas comme on pourrait le supposer, quelque chose de vague ou d’inexistant mais un élément éminemment dynamique et agissant. Le Vide sera envisagé comme signe. Signe privilégié puisque dans le système donné, il est précisément ce par quoi les autres unités se définissent comme signe nous dit François Cheng

Le chant des premières pousses (Dansant et chantant, paysans de retour du travail) - Ma Yuan, début du XIIIe siècle

Regarder le vide avec un oeil chinois

Dans l’art chinois, le vide est donc associé au dynamisme et non au figement des formes. Entre la montagne et l’eau circule le vide dans la peinture chinoise. Il crée une espace de tension qui casse l’opposition trop binaire entre montagne et eau. Ce que nous voyons comme quelque chose de très graphique, nous occidentaux est bien autre chose pour les orientaux. 

Sans sensibilité ou conscience du Vide, nous voyons dans les paysages chinois des éléments forts, contrastés, visibles en raison de leur couleur noire, dans une relation presque opposée. Or, pour les Chinois, le Vide forme une sorte de nuage, de limbe, un souffle. Les formes ne sont plus opposées, elles s’interpénètrent grâce au Vide. Ces formes ne sont pas agencées l’une en rapport aux autres mais en tenant compte des espaces qu’elles occupent avec le Vide comme un espace à part entière. 

Non seulement les formes s’interpénètrent mais leur sens se transforme. Lorsque la montagne traverse le Vide et se fond en vague, en eau et l’eau en traversant le vide devient montagne. Le Vide est un lieu où s’opèrent les transformations. Transformation physique, puisque la montagne se transforme en eau de façon formelle et idéelle. Peut-on parler d’ellipse comme en BD ? Pour rappel une ellipse en BD dessinée est une suite de 2 dessins au moins décrivant une action ou un processus de transformation dont seul l’état avant et après est représenté. La transformation se fait par l’imagination du lecteur. 

Dans la peinture chinoise, tout se passe dans un même lieu, une seule case si l’on veut. Mais la lecture n’est pas statique, l’œil bouge autant que la pensée. Le Vide est une forme, un espace autant rempli de sens que les formes physiquement représentées ou les lignes dessinées. 

C’est je pense l’impermanence qui nous est donnée à voir. Par le vide notamment. Celui-ci étant un lieu de transformation, les éléments autour de lui s’interpénétrant au travers de cet espace, il est un vecteur, une passerelle dans l’œuvre pour faire circuler l’œil et l’esprit. Toute l’image donne ainsi à voir l’impermanence. L’image ne se contente pas de prendre en charge l’évènement, la métamorphose, elle est un support vectoriel de l’espace et de transformations. Ces vecteurs induisent voire conduisent la métamorphose.

 

Il y a des choses visibles et des choses invisibles. Peut-on dire pour autant qu’il y a des choses représentées et des choses idéelles ? 

On ne doit pas tout montrer, afin de maintenir le souffle nous dit la sagesse chinoise. Cela se traduit notamment par l’interruption des traits. Or ces traits sont bien là. Trop de traits étoufferaient le souffle et leur omission étoufferait les figures. Cette interruption est donc nécessaire tant pour montrer la continuité du souffle mais aussi inscrire un mouvement, une dynamique. Ce que les Occidentaux voient comme une peinture statique et en fait tout le contraire pour les Orientaux, un flux incessant souffle dans l’œuvre, représentation spirituelle de l’impermanence et donc hautement mobile. 

À vous de plonger dans le vide !

La prochaine fois que vous serez face à une œuvre, observez le vide au lieu des formes comme vous pourriez en avoir l’habitude. Vous verrez combien il est…plein !

Et pour compléter votre analyse et votre compréhension des zones de vide et de plein, procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi.

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