Michel-Ange : le portrait d'une icône!
Qui a le pouvoir de transformer une œuvre d’art ou un personnage – le peintre en l’occurrence – en une icône laïque, en une image universellement reconnue, en un personnage parfois idolâtré, au point que son ou ses œuvres deviennent un objet de pèlerinage ? Les longues files d’attente devant les musées en sont une excellente analogie. Est-ce le public qui fait l’icone ou l’icône qui fait le public ? De la poule et de l’œuf….
Comment un peintre devient une icône?
Par quel phénomène le plafond de la Chapelle Sixtine est-il devenu une œuvre si populaire alors que peu de personnes ont pu l’apprécier in situ ? Que s’est-il passé pour que le grand public ait l’impression de connaître Michel-Ange ?
Certains historiens postulent que la notoriété d’une œuvre d’art (et de son créateur) provient notamment de ce qui se dit de l’homme (ou de la femme) ainsi que du caractère particulièrement iconique du lieu d’exposition de l’œuvre.
Observons ces deux facteurs pour notre Ange Michel.
L’artiste et la mythologie qui lui est associée
Regardez les habitudes des visiteurs néophytes : ils s’avancent vers une œuvre, lisent le cartel avant de passer ou non du temps devant le tableau (bien que celui-ci ne retienne leur attention que 30 secondes en moyenne), puis se dirigent vers l’œuvre suivante.
« Michel-Ange est certainement plus vendeur que Van Ruysdael pour le touriste culturel. Et lorsque l’artiste est (re)connu du regardeur, son intérêt redouble. »
Pour autant, le nom de l’artiste n’est pas une raison suffisante pour attirer le public : encore faut-il qu’il bénéficie d’une réputation, voire d’une légende, ou que l’on ait construit du mystère autour de lui.
Michel-Ange avait tout pour plaire… au grand public : une réputation de bulldozer dépressif parmi les anges, une sexualité disons peu orthodoxe (pour l’époque du moins) et un stakhanoviste infatigable, en plus d’une singularité artistique. Une légende est née.
Une tête de mule
À 13 ans à peine, le jeune Michel-Ange tient tête à son père, qui voyait déjà en lui un futur notaire austère. Mais la perspective de gribouiller des actes le terrifie : il préfère sculpter des faunes et copier les fresques des meilleurs. Son génie précoce lui vaut la jalousie de ses camarades, dont l’un, particulièrement belliqueux, lui « referra le portrait »… en lui cassant le nez.
Au bon endroit au bon moment
Grâce à son art, Michel-Ange est repéré par Laurent le Magnifique (qui doit son nom à sa grandeur et sa puissance, plutôt qu’à sa beauté, qu’on se le dise). Le mécène l’installe dans son palais, ce qui permet à son protégé de fréquenter le gratin intellectuel et artistique de Florence. Son génie, là aussi, et probablement son caractère, lui valent bien des rivalités.
Michel-Ange et le pape : entre amour vache et lettre recommandée
Arrive Jules II, le pape superstar de l’époque. Le grand Jules veut son tombeau, puis change d’avis et commande à Michel-Ange le plafond peint de la chapelle Sixtine. Petit détail : notre sculpteur déteste la peinture. Mais ce que Dieu veut, l’homme, tout génie qu’il soit, le fait. Michel-Ange, un brin paranoïaque, est persuadé qu’on veut le voir échouer par rivalité ; alors il s’acharne. Pendant quatre ans, il va s’escrimer sur ce chantier pharaonesque de plusieurs centaines de mètres carrés de voûtes. Souvent allongé sur un échafaudage, il y convoque dieux, prophètes, athlètes nus et met en scène des épisodes bibliques jusque-là réservés à la catéchèse. La Création d’Adam et son célèbre doigt tendu deviendront une icône avant l’heure.
Un caractère de cochon
Michel-Ange se brouille avec tout le monde et finit par tout faire seul. Il est vrai que le peintre est un grand solitaire, pour ne pas dire un misanthrope. Il entretient peu ses relations, souvent sous la contrainte des commandes, et fuit la compagnie. De plus, pour ne rien arranger, il est jugé grognon et orgueilleux comme un coq. C’est sans doute grâce à une confiance rare en lui, persuadé de sa valeur exceptionnelle, qu’il parvient à bout de ce travail de titan.
Perfectionniste à l’extrême et grand mélancolique
Il recherchait l’excellence sans relâche, n’hésitant pas à abandonner une œuvre qu’il jugeait imparfaite. Ainsi, de nombreuses créations sont restées inachevées, par principe ou par insatisfaction. Pourtant, c’est cette quête d’idéal doublée d’une intense introspection, embrumée de mélancolie, que Michel-Ange nous donne à voir dans la Création du monde, notamment dans la vitalité et l’expression de ses personnages.
En plus du personnage, c’est indéniablement aussi l’œuvre qui fait l’artiste, voire l’icône.
La chapelle Sixtine n’est pas en reste dans la réputation de Michel-Ange, pour plusieurs raisons.
Une œuvre de ouf
Plus de 500 m², à grande hauteur, qui vous (en)voûte : la chapelle Sixtine vous en met plein la vue. Et quand on est impressionné, on en parle. Alors, quand ce sont plus de 5 millions de visiteurs par an qui en parlent, ça fait du bruit.
Et puis, avec des couleurs acides (on ne dira pas encore psychédéliques), sa composition hyper dynamique et une vision de l’humanité aussi puissante que tourmentée, on comprend que ça se commente.
L’oeuvre qu’on doit avoir vue
« Le monde amène le monde », disent les restaurateurs. Une terrasse de bistrot pleine à craquer est plus tentante pour le dîneur qu’une salle vide. Ainsi, un musée très prisé attire son lot de badauds, qui craignent de passer à côté de leur vie s’ils n’ont pas « fait le Louvre ».
La notoriété de la Joconde est de ce fait endémique. Il en est de même pour la chapelle Sixtine, avec ses 4 à 6 millions de visiteurs annuels.
On s’amusera du fait que la visite de ces œuvres a remplacé celle des reliques au Moyen Âge et à la Renaissance. Autre temps, même habitude.
En résumé, un caractère romanesque, une œuvre titanesque et une puissante singularité artistique font de notre ange Michel une icône bien vivante !
À vous d'analyser l'oeuvre de Michel-Ange!
Pour compléter votre analyse de l’œuvre de Michel-Ange, lisez l’article La Création d’Adam.
Et procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi..