Juger du (bon) goût !
Que fait donc la Joconde dans la salle à manger de mes grands-parents ?
On se le demande et pourtant une reproduction de La Joconde fait partie de ces objets improbables que l’on peut voir dans certains salons avec des napperons en dentelle sur la TV, une gondole vénitienne, un poisson scintillant, une boule à neige…
Comprendre la notion de goût dans l'art
Parmi les musts des reproductions, il y a les Nymphéas, L’Angélus de Millet et La Joconde. Que l’on retrouve d’ailleurs sur les pots de moutarde, les timbres-poste, les parapluies, les foulards, les masques ou encore les cendriers. Qu’est-ce qui justifie la transformation de ce chef-d’œuvre de la peinture occidentale en illustration prostituée sur tous les supports possibles et inimaginables ?
En fait, ce qu’exposent vos grands-parents dans leur salle à manger, c’est un morceau de symbole qui leur permet de participer à la relation des hommes avec les œuvres d’art, au moindre prix. La reproduction accrochée signale deux choses : d’une part le désir de posséder chez soi un objet qui procède de l’Art, d’autre part l’incapacité financière d’acquérir un original. Le mélange d’un désir esthétique de beauté à domicile et d’impossibilité à le satisfaire réellement. Pour éviter la frustration, le succédané suffit. Il existe un goût des gens « de peu » comme on le disait autrefois pour désigner les gens modestes, défavorisés. Ces personnes se distinguent par une culture peu importante, des références artistiques pauvres, rares ou inexistantes. Jamais elles n’ont eu le bonheur et la chance de se faire initier ou d’être mises en situation de comprendre le monde de l’art, bien qu’elles ressentent le besoin de satisfaire une envie de beauté, même sommaire. Sans éducation au codage, sans capacité au décryptage, sans mode d’emploi, elles n’ont pas non plus hérité d’un capital intellectuel transmis par la famille : pas d’habitude des musées, pas de rapports directs avec les œuvres dans des expositions ni à la maison. Désireux d’aimer l’art, mais bruts dans leurs jugements ces gens sont condamnés à pratiquer le substitut, pris et compris par eux comme essentiel.
Dans ce cas, on parle de goût kitsch. A défaut d’original, la reproduction ira très bien.
Alors faut-il juger ? Condamner ? Pire encore être condescendant en disant que tous les goûts sont dans la nature ? Oh non, surtout pas. Le goût provient et est formé par le milieu et l’éducation, des rencontres ou de l’isolement justement, du parcours scolaire et familial.
Le plus terrible dans l’histoire est que les gens réduits aux plaisirs kitsch avouent sans le savoir leur position dans la société : ils existent hors des circuits des riches, des possédants, des dominants, des acteurs de la société.
À vous de juger !
J’invite les consommateurs de Joconde en papier à rejoindre les rangs d’Art-toi car même sans le savoir ils aiment déjà l’art et y voient quelque chose.
Et pour compléter vos hypothèses et votre analyse d’un tableau, procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi.