Pieter Saenredam - Intérieur de l'Eglise Saint-Odulphe à Assendelft

Quel étrange point de vue !

On ne peut pas dire qu’on se sente accueilli dans cette église, et moins encore à l’office qui s’y déroule. Froid, vide, enfermé, cet espace nous donne la désagréable impression de nous isoler. Pourquoi donc ? Comment le peintre s’y est-il pris pour me donner cette impression ? Et vous, regardeurs, qu’en pensez-vous ?

Pieter Saenredam - Intérieur de l'Eglise Saint-Odulphe à Assendelft

Comprendre une émotion à travers les éléments picturaux

Ressentons et observons.

La composition, tout d’abord : le point de vue est légèrement décentré, nous décalant sensiblement sur la droite. L’angle choisi nous donne l’impression d’être à ras des pâquerettes ou plutôt d’un sol dallé, gris et froid. En effet, le peintre a opté pour une légère contre-plongée. Un banc laissé à l’abandon sur la gauche, une sorte d’urne funéraire géante sur la droite et l’alignement des bancs forment un narthex quelque peu hostile.

La composition est marquée par une perspective rigoureuse qui accentue la profondeur et guide notre regard vers le fond du premier plan. On se heurte alors à un personnage et, en y regardant bien, à un second. Un adulte et un enfant lisant ?

Une lumière vive et claire remplit cette église et contraste avec les éléments humains représentés dans des tons sombres. C’est ainsi qu’on s’aperçoit qu’un sermon est prononcé du haut de la chaire. En y regardant de plus près encore, l’éclairage est subtil et naturel, filtré par les fenêtres, révélant la texture des surfaces. Cette approche donne une impression de calme et de solennité, contrastée par la position autoritaire de l’officiant, pointant du doigt la congrégation massée devant lui. Nous sommes assurément dans une église protestante : pas d’ornementation, pas de fioritures, on dirait même que les inscriptions et les fresques ont été badigeonnées à la chaux.

 

Renseignons-nous sur l’oeuvre.

Il s’agit d’une vue intérieure de l’église Saint-Odulphus à Assendelft, un village des Pays-Bas.
Or, cette église avait une signification particulière pour le peintre : non seulement il est né à Assendelft, mais la pierre tombale de son père, Jan Saenredam, portant une inscription, est visible au premier plan, à droite.

Saenredam était un maître de la représentation architecturale : il réalisait des relevés précis des édifices avant de les traduire en peinture. On retrouve ici une précision quasi mathématique, héritée de ses études préparatoires sur le terrain. On dirait une maquette en deux dimensions !

Effectivement, l’absence d’ornementation et la sobriété du lieu rappellent l’influence du protestantisme réformé, qui privilégiait des églises épurées. L’intérieur, vidé de ses décors gothiques, témoigne de l’iconoclasme protestant des siècles précédents. Et les quelques figures humaines, souvent discrètes et petites, rappellent la présence du sacré dans un cadre austère.

En plein Siècle d’Or hollandais, l’art protestant se détourne des représentations religieuses traditionnelles pour privilégier des scènes de la vie quotidienne et des architectures épurées.

Pieter Saenredam appartient à cette tendance et se spécialise dans les vues d’églises, apportant une approche scientifique à la perspective et à la lumière. Cette œuvre traduit bien son souci de rendre la majesté du bâti tout en capturant l’ambiance silencieuse et spirituelle d’un lieu de culte.

Mais Saenredam s’est surpassé en matière de rigueur avec cette œuvre. L’Intérieur de l’église Saint-Bavon à Haarlem est certainement moins… protestant, avec ce point de vue singulier, presque caché derrière une arche, créant ainsi un deuxième cadre. Ce procédé attire automatiquement le regard vers le haut, vers l’ancien orgue, qui est peint avec la Résurrection du Christ, et oriente notre regard vers un vestige de décorations catholiques depuis longtemps abolies. Nostalgie ?

 

Pieter Jansz Saenredam - Intérieur de l'église Saint-Saint-Bavon à Haarlem - 1649

À vous de voir !

Que dites-vous de La nef et le chœur de la Mariakerk à Utrecht, toujours de Pieter Saenredam, datant de 1641 ?

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Pieter Jansz Saenredam – La nef et le chœur de la Mariakerk à Utrecht - 1641

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