Une vraie femme!
On dit qu’Édouard Manet a scandalisé les bourgeois en représentant une « vraie femme » dans sa toile Olympia au lieu d’une Vénus comme celle d’Urbino du Titien (1538). Mais c’est quoi une vraie femme ?
Une vraie femme est donc une prostituée !
Nous sommes à la fin du XIXe siècle. En simplifiant un peu, l’image de la femme pour un amateur d’art peut être réduite à 3 catégories : l’épouse, la prostituée ou courtisane et la femme du peuple (avec les domestiques, les lavandières, les marchandes, en bref les femmes qui travaillent). Ici, nous avons donc affaire à la deuxième catégorie. Il serait cependant (trop) facile de déduire que Manet a choisi une prostituée pour représenter une vraie femme. Il serait tout aussi réducteur de voir une provocation de la part de Manet dans le choix de traitement du sujet. Son but était celui de rendre la beauté de la femme tel que Titien, Vélasquez ou Goya notamment l’avaient fait précédemment, mais en la dépouillant de l’hypocrisie usuelle. Il a voulu montrer une femme sans compromis et sans faux-semblants.
C’est ainsi la conjonction de deux éléments qui a provoqué l’ire des spectateurs de l’époque ; le nu féminin, mais sans légitimité mythologique, allégorique, symbolique. Il a peint une femme pour elle-même, sans artifice esthétique. « J’ai fait ce que j’ai vu », dira Manet de cette œuvre. Le terme de « vraie femme » s’applique donc plus au traitement que le peintre en a fait qu’au sujet lui-même.
Une vraie femme a donc la peau jaune d'un cadavre en décomposition!
Ce qui a le plus frappé les visiteurs du Salon est le traitement du sujet. Si les critiques attendaient la douceur du blanc émail, la matière fondue de délicats camaïeux de rose et de bleu bébé ou encore une technique « léchée », ils en furent pour leurs frais. Ils furent en effet confrontés à des aplats fermement cernés de noir, antithèse des principes académiques, de couleurs froides et à une peau jaune « d’un cadavre en décomposition » selon leurs propres termes. C’est donc un traitement réaliste que Manet a choisi pour représenter son nu, tant dans les formes et la posture ou le regard que dans le rendu des couleurs locales sous la lumière. « Vous avez admirablement réussi à faire une œuvre de peintre, de grand peintre […] à traduire énergiquement et dans un langage particulier les vérités de la lumière et de l’ombre, les réalités des objets et des créatures », écrivit Zola.
Une vraie femme en pleine lumière donc !
À vous de chercher la femme !
La prochaine fois que vous serez face à un tableau représentant un nu féminin, recherchez ce que l’artiste a voulu dire de la Femme et tenter de remettre le propos dans son époque.
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