Ambiance Loft !
Vrel : un nom qui ne me dit rien. Fondation Custodia : un lieu d’exposition confidentiel. Précurseur de Vermeer : Le Siècle d’Or de la peinture hollandaise, une période mainte fois montrée et argument marketing éculé… il n’y a pas grand-chose pour me motiver à aller voir cette exposition JACOBUS VREL – ENIGMATIQUE PRECURSEUR DE VERMEER. Hormis peut-être le côté énigmatique justement : Une femme qui se balance sur sa chaise, regardant, je ne sais quoi, à travers une sorte de fenêtre dans une pièce tellement vide qu’elle pourrait être un loft contemporain. Alors oui, j’ai été intriguée et je pense que vous aussi le serez quand vous lirez ce qui va suivre.
Ressentir avant d'analyser
Laissons parler l’émotion pour commencer. Ainsi, avant de lire cet article, interrogez-vous :
- Comment je qualifie l’ambiance de cette œuvre ?
- Pour quelle raison ai-je cette impression ?
- Quelle place ai-je en tant que regardeur de l’œuvre ?
Entrons à présent dans l’œuvre de cet artiste de Flandre et plus particulièrement dans ses Intérieurs. A priori, Vrel serait donc un peintre de la vie quotidienne des petites villes hollandaises du XVIIe, de scène de genre. Et pourtant…à y regarder de près, est-ce vraiment cela ? Stricto sensu, oui puisqu’il s’agit de tableaux représentant la vie ordinaire. Mais était-ce là véritablement le propos de Vrel ? Même en scrutant intensément les tableaux, ils ne semblent pas raconter d’histoire, ni d’exposer un message moral ou métaphorique. Les personnages sont souvent représentés de dos ou de profil, figés dans des instantanés. Les intérieurs sont vides, y règne une ambiance calme et silencieuse. De ce fait, on a l’impression d’un sujet choisi pour sa beauté, ses caractéristiques « graphiques » et surtout une atmosphère. Et le minimalisme des compositions leur donne un air étonnamment moderne, presque intemporel. Bizarre !
Observons les éléments picturaux
Les plans et le champ
Malgré un format rectangulaire presque carré, tout est en hauteur dans les œuvres de Vrel. La portion de sol est généralement mince comparativement à celle des parois qui prend alors les trois-quarts de la composition. Ces murs allongés par le blanc de chaux sont percés de fenêtres, elles aussi verticales, augmentant encore cette impression de hauteur. Contrairement à un peintre comme de Witte, le champ choisi est peu profond, ce qui cloitre le regard dans un espace réduit et vide de surcroît. Chez de Hooch, l’œil peut s’échapper par une porte, par une ouverture menant sur une enfilade de pièces, par une fenêtre ouverte, pas chez Vrel. De plus, chez ce dernier, les vitres sont représentées en verre dépoli, accentuant encore le sentiment d’intimité.
Les formes
C’est clair comme de l’eau de source ! Les objets ne se chevauchent pas, ils sont sagement posés les uns à côté des autres, sans qu’on ait l’impression qu’ils soient décrits. Le tableau ne semble dissimuler aucun secret.
Les personnages
Entrons maintenant en contact avec les personnages…Eh bien c’est là que le bât blesse justement ! Personne ne nous regarde. Dans Femme à la fenêtre faisant signe à une fillette, elle nous tourne le dos, absorbée par sa tâche. Mais c’est sa chaise en équilibre instable qui nous intrigue et nous fait entrer dans l’œuvre. Ce basculement est à lui seul un motif extrêmement rare en peinture et il est, de plus, souvent sévèrement réprimé dans la vraie vie. De cette position incongrue, le regard passe sur le chaperon blanc de Mère-Grand pour atterrir sur sa main. Et c’est dans ce mouvement oculaire que nous découvrons l’enfant, comme surgissant de l’obscurité.
Ces éléments auront servi à capter notre attention et à nous mener par le bout du…regard vers l’intrigue et sujet de l’œuvre : l’interaction entre ces deux personnes.
Les couleurs
Des tonalités réduites, des tons de beige et de gris clair, des rouges, des bleus, des verts assourdis, quelques taches de blanc ici et là mais rien de fou ni de contrasté en termes de couleur. Une force tranquille émane d’elle. Un rayon de lumière pénètre par la fenêtre et structure le mur, des ombres discrètes apportent un volume léger et l’artiste ne joue pas avec la dramatisation d’un clair-obscur. Le jeu de la lumière est là pour rendre l’atmosphère intimiste.
Les attributs
Pas de tentures luxueuses ni d’objets exotiques comme chez Vermeer. Pas de mobilier délicat ni de tapis chics comme dans chez de Witte. Pas de servante ni de tableaux comme chez de Hooch. Nous sommes ici dans des intérieurs modestes sans ostentation mais sans misère non plus. Mais alors qu’est-ce qui séduisaient les acheteurs de ces œuvres ? La simplicité des scènes tellement grande qu’elle en est hardie, le charme particulier d’un motif comme la chaise en équilibre instable ou encore l’étrange apparition d’un enfant surgi de l’obscurité rendaient probablement les œuvres de Vrel très attrayantes.
Vrel, c’est une expérience !
Les scènes de Vrel ne se présentent pas comme une description d’activités simples de la vie quotidienne : pour preuve, la vieille femme qui se balance sur sa chaise et manque dangereusement de tomber. On ne distingue pas clairement une action mais plutôt une émotion, une sensation, une atmosphère. Si les tableaux de Vrel ne racontent pas d’anecdote, ils nous incitent cependant à l’introspection et au questionnement. Qu’est-ce que je vois, qu’est-ce que je ressens ? Toute une expérience !
À vous de voir !
Pour votre prochaine exposition, téléchargez et imprimez LE SIGNET. Le canevas sous la forme de questions vous permet d’observer et d’analyser plusieurs codes picturaux.
Et pour compléter votre analyse et votre compréhension des éléments picturaux, procurez-vous la méthode complète ou téléchargez gratuitement le pense-bête Art-toi.