August Strindberg - La ville - 1903

Le peintre fait une touche !

Quand on parle de matière, on désigne le mélange des pigments et du liant. La pâte, ce qui sort du tube ! Cette matière peut être étalée en couches fines ou épaisses, lisses ou en relief. C’est la touche, qu’on appelle aussi la manière. Le peintre, en posant son pinceau, laisse une trace. L’outil prolonge la main et ainsi décrit le geste de son auteur. C’est lui qui révèle le mieux l’intime du peintre, comme le ferait son écriture. Sans entrer dans une étude graphologique.

Max Beckmann – Die Kaimauer – 1936

Comprendre la valeur expressive de la touche

Observons cette trace, la patte du peintre, ce que nous appelons son « coup de pinceau » pour saisir la valeur expressive de sa touche.

Chez Monet, la touche est juxtaposée. Chaque virgule est composée d’une seule couleur. Sa forme est celle de sa représentation, ici des vagues ou plutôt des vaguelettes. Les touches claires montrent et captent la lumière tandis que les foncées contrastent et font « tourner l’œil ». Le vert et le jaune s’exaltent l’un l’autre, tout comme les formes parsemées. La pâte est relativement diluée pour ne pas accrocher l’œil avec de la matière et donner une impression de fluidité.

Le but du peintre est ici clairement ce qui fait l’impressionnisme, c’est-à-dire d’impressionner. Faisant apparaître la lumière, la touche fait bouger l’œil, engendrant du mouvement. En théorie, le regardeur serait lui-même le mélange optique (ceci, au demeurant, n’est pas avéré).

Claude Monet – Impression soleil levant – 1872

Chez Toorop, les couleurs sont légèrement fondues. Ce mélange est réalisé sur la palette du peintre avant d’être déposé sur la toile au pinceau. La matière est plus dense que chez Monet, plus épaisse, posée avec un pinceau large. Il a même utilisé

la pointe de celui-ci pour réaliser des hachures. Ici, la sensation est légèrement kinesthésique, on a l’impression de sentir la vague, elle semble plus lourde, plus charnelle, moins fluide. Elle n’est toutefois pas encore expressive comme chez Strindberg, car la trace, si elle est visible, ne rend pas la « main » de l’artiste.

Chez Strindberg, la pâte est empâtée, épaisse, lourde. Elle est posée au couteau, parfois au doigt. Les couleurs sont mélangées directement sur la toile. On dirait que le peintre l’a modelée comme le ferait le sculpteur avec de la glaise. Chaque trace témoigne de la patte du peintre, on comprend ainsi son geste. De ce fait, l’ensemble est très expressif. Le regardeur est mis dans une situation où il sent la toile autant qu’il la voit grâce à la matière. La matière devient une sorte de chair, tellement physique qu’elle se métamorphose en un sujet en soi.

Notre dernier exemple, Le Quai de Max Beckmann, est tout aussi expressif, mais avec une matière posée très différemment. Ici, point de matière, juste des aplats de couleurs sans mélange. Tout est expression ici. Chaque aplat est une forme, non représentative, mais expressive. Ces formes sont réduites à leur plus simple représentation, sans détails ni fioritures. Elles sont parfois cernées de noir, apportant elles aussi une force expressive. Et c’est le mur de la jetée obstruant le passage des vagues qui retient l’œil. Fait lui aussi d’aplats de couleurs cernés de noir, il contribue à une surenchère d’expressivité. C’est aussi la signature de l’artiste.

À vous de chercher votre équilibre !

La prochaine fois que vous serez face à une œuvre, observez la position que votre corps a pris naturellement et tirez-en vos conclusions.

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