Promenons-nous dans les..jardins de Claude Monet !
Vous promener dans les œuvres de Claude Monet comme vous le feriez dans un parc ou dans les rues d’une cité ? C’est une excellente manière d’appréhender, de vivre devrais-je dire, cette œuvre magistrale et monumentale qu’est le cycle des Nymphéas conservée à Paris au musée de l’Orangerie.
Et vous ne seriez pas le premier à vous balader dans une œuvre : un certain Charles-Edouard Jeanneret en a fait l’expérience avant vous. Pour comprendre le concept de « promenade dans une œuvre », je vous propose de découvrir comment mon compatriote Le Corbusier a théorisé cette balade dans son ouvrage L’Œuvre complète. Notre Corbu la définit comme un itinéraire implicite, dans ces mots : L’architecture est jugée par les yeux qui voient, par la tête qui tourne, par les jambes qui marchent. L’architecture n’est pas un phénomène synchronique, mais successif, fait de spectacles s’ajoutant les uns aux autres et se suivant dans le temps et l’espace, comme d’ailleurs le fait la musique.
Une promenade architecturale
Pour l’architecte, un bâtiment est composé tel un parcours, d’éléments architecturaux qui mènent à un déplacement dirigé. La promenade architecturale, par sa conception, par son enchaînement de séquences et de points de vue, suscite la curiosité et invite au mouvement. La balade n’est pas contrainte mais induite par ses perspectives qui intriguent le regard. Et c’est à travers ce regard captif des formes que s’effectuent des déplacements variés et implicites. Ce chemin parcouru peut être défini comme une succession d’espaces divers, qui nous permettent d’expérimenter la construction en passant de l’un à l’autre. C’est à travers ce déplacement que le visiteur produit des émotions et crée une relation personnelle à l’œuvre.
Une promenade picturale
Transposons cet itinéraire implicite en peinture et plus particulièrement à ce cycle d’œuvres de Claude Monet Les Nymphéas.
Les espaces architecturaux sont remplacés, en peinture, par les éléments de la composition. Là où nous avions des éléments de construction nous aurons des formes. Elles aussi revêtiront des proportions, seront agencées de manière à leur donner un rythme, un équilibre, une perspective. La lumière naturelle de l’environnement architectural est remplacée ici par les valeurs et les couleurs choisies par le peintre. Et pour terminer, les pans de murs jouant avec la lumière ont leur pendant pictural avec les plans et les ombres peintes.
Ce cycle de Nymphéas fait éminemment sens pour notre balade puisqu’il s’agit en fait de 8 panneaux dont la hauteur est similaire pour chacun d’entre eux alors que leur longueur varie considérablement, s’étendant de huit, douze, quinze et jusqu’à presque dix-huit mètres. Mis bout à bout, ce cycle représente un chemin vertical de plus de cent mètres de long.
De fait, le regardeur ne peut, de toute manière, pas embrasser l’œuvre d’un seul coup d’œil, ni rester statique. Il doit obligatoirement se déplacer. Et c’est par son parcours que le « promeneur » constitue une succession d’espaces et que, dès lors, les éléments statiques se mettent en mouvement.
Et maintenant promenons-nous dans les tableaux !
En revanche et contrairement à des œuvres de format traditionnel, cet exercice ne peut être réalisé sur un support électronique mais doit se vivre in situ. Dès lors, pour en faire l’expérience, rendez-vous au musée de l’Orangerie à Paris avec le mode d’emploi que je vous ai concocté et laissez-vous guider dans votre promenade.
Et pour ceux qui ne pourraient s’y rendre, je vous propose un succédané grâce au descriptif du cycle proposé par l’académie de Nancy-Metz téléchargeable.
Bonne promenade !
Mode d’emploi pour une promenade picturale
La mise en œil
Entrez dans la première salle et laissez, tout d’abord, votre regard se promener librement. Flânez un peu et libérez votre esprit des turpitudes du quotidien. Concentré-e sur vos émotions, interrogez-vous :
- Quelle émotion vous vient spontanément en regardant cette œuvre ?
- À votre avis, qu’est-ce que le peintre a voulu vous faire ressentir ?
Le cadrage et les dimensions
Le format des tableaux est allongé sur plusieurs mètres. Positionnez-vous, à présent, sur un point central et demandez-vous :
- Pour quelle raison Claude Monet a-t-il choisi ce cadrage et ces dimensions ?
L’espace
Commencez maintenant à longer les murs, comme vous le feriez dans le déambulatoire d’une église romane par exemple. Laissez votre regard capter les différentes formes, les couleurs, la lumière. Terminez votre parcours puis recommencez-le en vous questionnant :
- Quel est le point de vue choisi par l’artiste ? En plongée, contre-plongée, frontal ?
- Quelle impression le point de vue vous donne-t-il ?
- Comment l’espace est-il occupé ?
- Par quel moyen votre regard passe-t-il d’un élément à un autre ?
- Quelle perspective a été choisie pour quel effet ?
Votre regard est-il conduit par des lignes ?
Les formes
Concentrez-vous à présent sur les formes :
- Comment sont-elles réparties dans la composition ?
- L’ensemble est-il plutôt équilibré ou déséquilibré ?
- Quel rythme les formes impriment-elles ?
- Quelle sensation ce rythme vous procure-t-il ?
Les couleurs
Asseyez-vous à présent sur l’un des bancs centraux d’une des salles d’exposition et embrassez l’œuvre du regard dans son entier. Observez particulièrement les couleurs :
- Quelles sont les couleurs dominantes ?
- Quel est le rôle des couleurs pour Monet à votre avis ?
- Où se trouve la source de lumière et pourquoi Claude Monet a-t-il choisi cet éclairage ?
- Quelle impression les couleurs et la lumière ont-elles sur vous ?
Vous pouvez maintenant passer à la deuxième salle. Mais cette fois-ci, laissez libre cours à vos pensées et émotions. Vous constaterez probablement des changements… avec Art-Toi, on voit plus et mieux, non ?
La peinture enfin j’y vois quelque chose !
Pour compléter votre analyse et votre compréhension de chaque élément pictural, procurez-vous le décodeur d’art sur www.art-toi.com.