Un tableau d’Histoire, quelle histoire !
Un tableau d’histoire, ça ne raconte pas l’Histoire mais une histoire, n’est pas ? Celui relatant la Bataille d’Austerlitz ne fait pas exception. Mais quelle histoire François Gérard raconte-t-il de cette campagne napoléonienne en Autriche au début du XIXe siècle ?
Suivez-moi, le tableau va vous parler.


… La Bataille d’Austerlitz de François Gérard datant de 1810
Cinq mètres de haut par dix de long. Fou.
Laissez-vous porter quelques instants par ce gigantisme.
C’est quoi l’histoire ?
Revenu-e à vous, je suis à peu près certaine que vous vous poserez cette question et remuerez vos méninges pour tenter de vous souvenir de vos cours d’histoire : La Bataille d’Austerlitz, c’est quoi l’histoire ? Je vais vous aider.
Nous sommes en 1805. L’Angleterre, craignant un débarquement de ces maudits français, forme une coalition avec l’Autriche et la Russie. Apprenant cela, Napoléon réunit ses troupes et marche sur la Bavière. La Grande Armée, comme on l’appelle alors, va encercler les troupes autrichiennes à Ulm qui capitulent le 20 octobre. Et d’une !
Mais il faut tenir en respect la seconde puissance coalisée. On marche alors sur Austerlitz (en Moravie, aujourd’hui la Tchéquie, alors possession autrichienne). Le 2 décembre, le froid est glacial mais le soleil se lève. Majestueux. Impérial. Napoléon y verra un signe… Soleil ou pas, les troupes ennemies vont commettre une grosse erreur stratégique et Bonaparte déployer un parangon de tactique militaire. En 9 heures, malgré une infériorité numérique, l’armée napoléonienne met l’ennemi à genoux. Cette victoire obligera l’Autriche à signer un traité de paix et la coalition à se dissoudre.
Et quelle histoire a-t-on raconté au peintre ?
Et pourquoi pas, François Gérard entendit peut-être aussi cette anecdote rapportée par un soldat :
L’empereur était immobile. Autour de lui, ses officiers d’état-major. Il levait le bras et le premier venait prendre les ordres et ainsi de suite. Vers le milieu de la journée et alors que la bataille battait son plein, lui descendit de cheval et se fit étendre une couverture. “La bataille est gagnée” dit-il, et il s’allongea. Il s’endormit tandis que le combat continuait de se dérouler.
Quelle histoire a-t-on demandé au peintre de raconter ?
Trop de généraux, trop d’hommes, trop de chevaux, trop d’informations, le peintre ne réussit qu’à noyer Napoléon dans un flot anecdotique de détails et un cadrage panoramique. Le peintre ne sauva le héros de l’anonymat (et lui-même de la disgrâce la plus complète) que grâce à une redingote grise et un bicorne. Ouf.
En 1806, l’administration impériale commande à Gérard la représentation de la bataille d’Austerlitz. Celui-ci a, sans doute, eu vent des déboires de son confrère Lejeune. De plus, l’artiste se met au défi de surpasser le talent de son collègue d’atelier (celui de Jacques-Louis David), alors peintre attitré des scènes de batailles. Il soumet une esquisse, immédiatement acceptée. Et pour cause, regardez le résultat…

Quelle histoire nous raconte le peintre, en définitive ?
On est au soir du 2 décembre 1805. La bataille a eu lieu, François Gérard choisit (ou le lui a-t-on imposé ?) de nous raconter le moment le plus exaltant de l’histoire, celui où Napoléon rencontre les empereurs belligérants ; l’empereur d’Autriche et l’empereur de Russie, tous deux présents sur le champ de bataille.
Ce sont les postures et les regards qui en disent le plus long de l’histoire : L’Empereur des Français se tient droit, bien campé sur son cheval, métaphore de sa position de vainqueur. Son expression est impassible, profonde, presque méditative. Grave et sans condescendance (apparente pour le moins).
Elle pourrait illustrer cette anecdote : à un officier russe qui se plaint d’être déshonoré pour avoir perdu sa batterie, Bonaparte aurait rétorqué avec une certaine dignité (ou un triomphe modeste feint…) : Calmez-vous, jeune homme, sachez qu’il n’y a jamais de honte à être vaincu par des Français.
Ce n’est pas seulement un tableau de victoire, c’est une peinture de gloire. Gérard n’a pas uniquement commémoré la plus grande victoire napoléonienne, il a aussi édifié un monument à la gloire de l’Empereur militaire. Mais c’est la virtuosité technique acquise dans les ateliers du grand Maître Jacques-Louis David qui sauva cette œuvre de l’imagerie d’Epinal…euh d’Austerlitz.

À vous de voir !
La prochaine fois que vous serez face à une œuvre, lisez le titre de l’œuvre, faites quelques recherches et interprétez le propos du peintre, l’histoire qu’il a voulu raconter. Vous souhaitez une autre analyse d’un tableau historique ? Découvrez celui de Jacques-Louis David, Le Serment du Jeu de Paume. Et pour compléter votre analyse et votre compréhension de tous les éléments picturaux des tableaux, procurez-vous le décodeur d’art sur www.art-toi.com disponible sur la boutique.
ART-TOI et vois plus et mieux !