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Analyse du tableau : « L’Origine du Monde » de Gustave Courbet

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Catherine Hahn

Auteure du livre : La Peinture, enfin j'y vois quelque chose !

L'Origine du monde de Gustave Courbet,
un tableau controversé

Gustave Courbet, L'Origine du monde, 1877
Gustave Courbet, L'Origine du monde, 1877

Soyez honnête… quelles pensées ont traversé votre esprit la première fois où vous vous êtes retrouvé face à cette œuvre ?
« C’est porno, non ? » « C’est indécent ! » « C’est de l’art, ça ? » avez-vous peut-être pensé.
Et puis, avez-vous osé soutenir le regard sur l’œuvre ou avez-vous passé votre chemin (peut-être avant d’y revenir…) ?
Il est peu probable que cette œuvre vous ait laissé indifférent. Par son sujet bien sûr. Mais pas seulement. Allons analyser ce tableau dans le détail de ses éléments picturaux pour comprendre comment Courbet nous a touchés !

C’est quoi le problème ? Eh bien, c’est le sujet tout d’abord. Gustave Courbet a peint, en gros plan, la vulve et le torse d’une femme allongée sur un drap blanc, les cuisses écartées. Mais il n’y a pas que le sujet qui participe à notre choc émotionnel face à ce tableau.

Comprendre le rôle des éléments picturaux dans nos émotions

Courbet a joué avec nos émotions avec l’aide des éléments picturaux. Analysons-les à tour de rôle pour s’en convaincre.
Les dimensions tout d’abord ; le peintre a choisi un canevas de petite dimension (55 x 46cm), nous obligeant à nous approcher de l’œuvre. Le regardeur se retrouve ainsi le nez collé…ou presque, sur la toile. L’accrochage ensuite ; la vulve est exactement à la hauteur des yeux d’une personne de taille moyenne, plongeant ainsi littéralement sur le sexe. Le peintre a également choisi un point de vue particulier ; en contre-plongée, ce qui incite naturellement le regard à remonter le long du corps en passant par le nombril pour atterrir sur la pointe du sein juste visible avant d’être arrêté net dans sa promenade par le drap. Et ainsi redescendre sur le sexe.

L'Origine du monde de Gustave Courbet

Le cadrage choisi par Courbet participe également à capturer et peut-être captiver le spectateur. En effet, le cadre tronçonne chaque membre, recentrant le regard et le débat…sur la toison pubienne. Les cuisses sont taillées à mi-hauteur, celle de gauche du modèle (à droite pour nous) plonge dans l’angle du tableau. Un seul sein est visible dont le téton frôle le drap, lui-même coupé par la bordure du cadre. Les bras ne sont pas représentés et c’est leur absence qui suggère que le modèle les aurait relevés derrière la tête. Tant la position des jambes que celle supposée des bras incitent à y voir une position d’abandon au regard du spectateur. Le cadre physique en bois, lourd et ouvragé comme on l’aimait au XIXe, participe lui-aussi à recentrer l’observation sur le sujet principal. Pour terminer, Courbet joue avec la perspective pour nous emprisonner dans son sujet. Le premier plan nous jette littéralement l’entrejambe du modèle à la figure. Les suivants très rapprochés, sont traités en raccourci, technique qui accentue encore le premier plan et réduit le corps féminin à son seul sexe.

C’est après avoir observé ces éléments de composition que nous prenons conscience des formes voulues par l’artiste dans son œuvre. La première qui nous saute aux yeux est évidement le triangle sombre de la toison pubienne car elle contraste avec les tons très clairs de la chair et plus encore des draps. Et très vite, le regard est attiré par une forme identique mais inversée que forme l’espace entre le cadre gauche et le drap. Et en observant attentivement le bord du tissu, on verra qu’un pli formant un V fait écho à la vulve. Ce dialogue de formes nous entraine dans une valse du regard. Il se peut que nous nous souvenions alors de la symbolique attribuée généralement au triangle, à savoir la sexualité.

Courbet a-t-il voulu provoquer ?

« L’Origine du monde » ; ce titre choisi par l’artiste soumet le spectateur à un questionnement : Et s’il s’agissait d’une métaphore ? Avec un peu d’imagination, il pourrait voir dans cette œuvre une allégorie ou même une analogie à un paysage. Mais…non, je ne crois pas. Courbet a choisi bien (trop) consciencieusement son cadrage, son point de vue, les formes et les couleurs pour dire autre chose. En effet, l’absence de jambes enlève toute légitimité à l’œuvre en tant que nu, l’absence de visage ôte toute humanité au sujet et la position du corps évoquant un abandon à la luxure ne légitime en rien un propos allégorique ou subliminal. Ce sont les éléments picturaux qui prouvent les intentions de l’artiste : celles de porter le regard du spectateur spécifiquement sur ce sexe féminin et donc de le surprendre voire de le choquer. Il devra faire preuve de persuasion pour prétendre qu’il admire autre chose qu’un sexe ou qu’il se délecte de la seule beauté des formes.

Et, à votre avis, cette œuvre : pornographique ou sensuelle ?

Le culot du sujet, son cadrage et son point de vue influencent évidemment notre jugement vers quelque chose de purement sexuel. Et puis le tempérament de Courbet va dans ce sens également : gouailleur, provocateur, blagueur et sans beaucoup de finesse dans son comportement, il n’était pas l’archétype du peintre sensuel. Et pourtant, le rendu délicat de la chair dans des tons clairs, le traitement voluptueux des drapés, le moelleux de la touche ou encore la douceur des formes nous rappellent étrangement les œuvres de certains peintres italiens tels Titien ou Véronèse. Et puis il y a cette intimité tout hollandaise rendue par le clair-obscur de la scène. À vous d’en juger !

À vous d’analyser les œuvres !

La prochaine fois que vous vous retrouverez face à une œuvre qui vous touche, allez observer comment les éléments picturaux provoquent des émotions.
Et pour vous aider dans votre analyse, procurez-vous la méthode complète d’analyse d’un tableau à la boutique

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